Des outils et des stratégies thérapeutiques pour guérir de nos fantômes
familiaux
1. La prise de
conscience.
Lorsqu’ils ont compris ce que ce souvenir familial
faisait peser sur leur vie ils s’en sont servis.
Le principal objectif
d’une thérapie transgénérationnelle est de revisiter son arbre généalogique et
de se mettre en chasse de sa généalogie complète et de son histoire familiale
remise dans ses différents contextes.
Le but du thérapeute,
travaillant sur le transgénérationnel, sera d’aider son client à identifier les
différentes « cryptes », et les différents « fantômes
» familiaux.
Grâce à ces prises de
conscience le porteur pourra alors se différencier de ses "fantômes"
ancestraux et quitter une sorte de télescopage des générations et du temps.
2. Le « Génosociogramme » un outil pour exploiter
le sens des évènements familiaux
J’ai donné un sens à ce lien affectif.
Témoignage de Valérie Rosoux, descendante à la cinquième
génération
Le « génosociogramme »(20)
est surtout connu du grand public depuis les travaux de Anne Ancelin
Schutzenberger.
Construire son « génosociogramme »
est à la base de toute démarche en thérapie transgénérationnelle et de tout
travail visant à exploiter le sens des liens et des transmissions entre
générations (Transmissions intergénérationnelles conscientes et
transgénérationnelles invisibles et inconscientes).
Un « Génosociogramme »
est une sorte d'arbre généalogique fait dans un premier temps de mémoire (c'est
à dire sans recherche d'informations et de documents) complété des évènements
de vie importants (avec leurs dates et leur liens) et du contexte affectif
(qualité de la relation entre les individus marqués par des flèches ou
des traits de couleurs). Ce premier travail effectué, il est alors conseillé
d’entreprendre une enquête généalogique systématique sur la famille et son
histoire via des documents officiels (registres, actes, etc.) sur un minimum de
quatre à sept générations (si possible).
Avec le « génosociogramme »,
on voit que les traumatismes se retrouvent tout au long d’une histoire, souvent
sur plusieurs générations, il permet également de prendre en considération les
traumatismes individuels et familiaux liés à l’histoire : exil,
guerre,déportation, tremblements de terre, épidémies etc. Cet outil nous aide
aussi à en évidence les phénomènes de répétition: les accidents,
les maladies, les deuils non résolus, les non-dits, les syndromes d’anniversaires
(ou syndromes de répétitions), les mythes familiaux, etc..
Utilisant des
conventions graphiques sur la famille, il permet d'obtenir une image rapide de
modèles familiaux complexes. En cela, il constitue une riche source
d'hypothèses sur la manière dont une difficulté psychologique ou
psychosomatique peut être reliée au contexte familial. Il donne aussi des clés
sur la façon d'envisager l'évolution de cette difficulté. Il est, de ce fait,
l'outil privilégié de la psychogénéalogie.
Le génosociogramme, fait
prioritairement appel au cerveau droit, qui traite les informations
de façon rapide, totale, spatiale et perceptive. Ce mode
d'opération, très différent du mode verbal et analytique du cerveau
gauche, se caractérise néanmoins par une complexité tout aussi grande:
c’est pourquoi la psychanalyse « classique » peut parfois buter et
devenir inopérante lorsque des éléments concernant les générations antécédentes
aux parents -et donc hors du champ œdipien- sont impliqués dans les symptômes
et la souffrance du patient.
3. Retisser la parole
et les liens familiaux
L’utilisation d’un
« génosociogramme » facilite aussi la parole entre les membres
de la famille, y compris les enfants, car partir de questions simples sur des événements importants,
enfants et adultes peuvent plus facilement parler de tout. Au fil des séances,
la personne va mobiliser sa propre mémoire mais aussi celle des membres de la
famille, de façon très naturelle, elle interroge d'abord ses parents et ses grands
parents s'ils sont encore vivants mais aussi des cousins, des parents plus
éloignés qui possèdent aussi leur vision de cette histoire familiale; toute
cette recherche aura pour effet de retisser les liens, souvent aussi d'en créer
des nouveaux. La confrontation de différents points de vue est
une riche expérience: les entrecroisements de récits avec parfois leur
contradictions viennent bousculer des histoires qui semblaient bien installées.
4. Récits de vie et
lignes du temps biographiques
La ligne du temps est une démarche
intéressante dans le cadre d’une analyse transgénérationnelle car elle permetd’ébaucher
des biographiques temporelle dans laquelle se retrouvent les
évènements-clés d’une vie référencés le plus précisément possible et
synchronisé à d’autres événements individuels ou contextuels (historiques,
sociologiques, philosophiques, etc.).
Entreront alors en jeu
des répétitions de dates , d’évènements, de problématiques, d’accidents… structurées sur plusieurs
générations qui constitueront autant de pistes d’investigation.
Cet outil a le grand
avantage de permettre au patient de faire le point sur ce à travers quoi il est
passé tout au long de son existence, de mettre en évidence les étapes
charnières qui ont compté dans sa vie.
La ligne du temps est
une belle synthèse qui facilite beaucoup les prises de conscience de ce que
nous sommes et des liens visibles et invisibles qui nous lient à nos ancêtres
quand nous comparons les évènements de nos vies avec la vie de ceux qui nous
ont précédés.
En l'absence de
témoignages familiaux directs et de documents précis, le seul moyen d'envisager
ce qui s'est réellement passé pour certains personnages « oubliés » est de
trouver des informations contextuelles qui émanent de la collectivité et du
contexte (historique, sociologique, économique, professionnel, idéologique,
etc.), dans lequel nous aïeux ont vécu. Par exemple des documents historiques,
géographiques, des récits détaillés de celles et ceux qui ont vécu des
situations identiques, etc. Le but de cette collecte d’informations objectives
étant de pouvoir se construire une représentation « en creux » des situations et
des personnages, sur lesquels nous manquons de témoignages et de documents.
Grâce à cette stratégie, la pensée pourra se (re)construire une représentation
du personnage ou de l'événement passé en traitant les informations obtenues et
élaborer ses propres conclusions.
On se demande quand le traumatisme s’arrêtera ?
Certains rituels
symboliques peuvent faciliter la résolution des problèmes de l’arbre familial.
Les rituels nous
invitent à apprendre à parler le langage de l’inconscient.
Une psychanalyse
progresse donc en transformant les messages qu'envoie l'inconscient en un
discours rationnel.
Au lieu d'apprendre à
l'inconscient à parler le langage rationnel, les rituels proposent d’apprendre
à la raison à utiliser le mode d’expression de l'inconscient qui est composé
non seulement de mots, mais aussi d'actes, d'images, de sons, d'odeurs, de
saveurs ou de sensations tactiles.
C'est pourquoi les
rituels invitent à agir et pas seulement de parler. L'inconscient accepte la
réalisation symbolique, métaphorique, pour lui, une photographie ne représente
pas quelqu'un, elle est la personne photographiée ; il
considère une partie comme le tout (les sorciers réalisent leurs envoûtements
sur des cheveux, des ongles ou des morceaux de vêtements de leurs victimes
potentielles); il projette les personnes qui peuplent sa mémoire sur des êtres
réels ou sur des choses.
Les créateurs du
psychodrame se sont rendu compte qu'une personne qui accepte d'interpréter le
rôle d'un parent provoque chez le patient des réactions profondes, comme si
celui-ci se trouvait devant le personnage réel .
Les images que nous
conservons dans notre mémoire sont accompagnées d'une perception de nous-mêmes
au moment où nous avons vécu ces expériences.
Les rituels
travaillent sur la mémoire; il s’agit de provoquer un changement dans la
mémoire, tant dans les images que dans les sensations qui les accompagnent
(Pour rappel voir le paragraphe sur l’originaire et la transmission des fantômes par
duplication des structures mentales des parents de génération en génération)
Les rituels appliqués
aux traumatismes familiaux doivent être crées « sur mesure », et correspondre
au caractère et à l'histoire de la personne et de sa famille.
7.Résilience et
Thérapie transgénérationnelle
Lorsqu’ils ont compris ce que ce souvenir familial faisait peser sur leur vie
ils s’en sont servis.
Popularisé par Boris Cyrulnik (neurologue,
psychiatre, éthologue et psychanalyste français) Le terme « résilience » a été emprunté à la
physique, et désigne le retour à l’état initial d'un élément déformé ainsi que
la capacité des êtres humains de pouvoir réussir à rebondir et à surmonter les
épreuves de la vie.
La résilience est donc
un phénomène psychologique qui consiste, pour un individu affecté par un
traumatisme, à prendre conscience, (par la réflexion, la parole, par une
thérapie ou par une thérapie transgénérationnelle) de l'événement traumatique
pour ne plus vivre dans la dépression.
8.La guérison de
l’arbre généalogique et le tri du patrimoine psychologique
Je sentirai un élan, comme un coup de pied au derrière,
pour aller, pour profiter de cette vie, pour en faire quelque chose de
fécond.
Témoignage de Valérie Rosoux, descendante à la cinquième
génération
Il en est des biens
psychologiques comme des biens matériels qui se transmettent de génération en
génération. Autant il est fréquent de renoncer à une succession dont le bilan
est négatif ou de refuser un bien matériel dont le cahier des charges est trop
lourd, autant il est rare que l'on remette en cause la transmission de traits
psychologiques ou de «dettes» familiales.
L’analyse
transgénérationnelle est donc en mesure de nous aider à trier, garder ou
refuser ce qui se présente à nous. Si nous ne sommes pas toujours responsables
de nos héritages nous sommes seuls responsables de l'interprétation et de la
réponse que nous y donnons
Le travail sur l’arbre
familial concerne donc non seulement la santé des vivants, mais également celle
des «ancêtres mal morts ».
Conclusion :1914/2014 : Un cycle de 100 ans à surveiller
Comme nous l’avons vu,
les dates anniversaires sont des signifiants très puissants, nous pouvons donc
être fragilisés à la date anniversaire d’un événement traumatisant dans notre
famille dont nous n’avons pas toujours une connaissance consciente.
Pour le genre humain
les cycles de 100 ans sont très symboliques et doivent être pris en compte dans
la compréhension de certains processus psychologiques.
A la veille des
commémorations qui se préparent pour le centenaire de la grande guerre il est
donc plausible que les « fantômes » de la grande guerre remontent du
passé dans les familles où les drames vécus par les aïeux non pas été
suffisamment élaborés.
Paradoxalement ce
retour des fantômes de 14/18 peut être une opportunité pour aider les familles
qui sont toujours actuellement impactées par la violence de histoire.
Il sera donc très
important que nous soyons attentifs à la manière dont seront menées et ritualisées ces commémorations pour
qu’elles conservent leur fonction essentielle liée au devoir de mémoire mais
aussi leur fonction indispensable de symbolisation, de réparation et même de
guérison de deuils individuels et collectifs parfois inachevés depuis plusieurs
générations.
Pierre Ramaut
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